Comment vous avez découvert certains morceaux de musique

Il vous est sans doute arrivé, en entendant un morceau, d'avoir l'impression de le découvrir de l'intérieur alors que vous l'aviez jusqu'alors simplement entendu « de l’extérieur ».
Quelles sont ces musiques ? Comment cela est-il arrivé ? Qu’est-ce qui s’est passé ensuite ?

Je vais ouvrir la voie et donner deux exemples assez récents.

Tout d’abord, les Préludes de Chopin joués par Alexandre Tharaud ont été pour moi une expérience musicale comme j’en ai rarement vécues. J’ai subitement, donc sans m’y attendre, été transporté dans une dimension tragique. Cette expérience ne peut évidemment pas se reproduire, mais j’écoute ce disque seulement quand j’estime y être prêt, quand je veux bien y consentir. J’aime cette version sans concession pour l’auditeur et sans doute aussi pour le pianiste. Parfois j'en préfère d'autres plus solaires (j’ai déjà parlé de cela ailleurs, je pense ici à celle de Philippe Giusiano). Je les écoute alors pour ce qu’elles sont (Chopin) et pour ce qu’elles ne sont pas (tragiques).

Ma deuxième expérience, la Transfiguration de Notre Seigneur, de Messiaen. Je connaissais certes cette œuvre pour l’avoir en disque (Montaigne, Reinbert de Leeuw) mais l’entendre en concert dans des conditions sonores tout autres, toujours par Reinbert de Leeuw, c’est l’entendre pour la première fois. On peut ensuite essayer de recréer son impression forte à partir des enregistrements (peu nombreux) en leur superposant un relief qui leur manque. Là, la qualité sonore dessert une œuvre magnifique : rien n’y suggère un renouveau, la puissance d’un changement qui est pourtant ce qui fait que cette œuvre est belle et nécessaire.

j'ai aussi deux exemples qui me viennent à l'esprit...et qui m'étonnent de ma part!...En effet lorsqu'une oeuvre me touche beaucoup j'aime assez vite l'entendre sous plusieurs "habillages"...il est très rare que je reste complétement attaché à une seule version particulière et trouvant donc moins de satisfactions dans toutes les autres!...J'ai donc au moins deux exceptions (peut être plus?) à cette perception d'une oeuvre!
La première est aussi un prélude de Chopin!...Pas les préludes en général mais le N°15 en réb maj. baptisé, (j'ignore par qui?) "la goutte d'eau", ce qui lui enlève un peu de son mystère, tant une goutte d'eau , bien qu'elle ne manque ni de mystère ni de poèsie, est quelque chose de très banal dans la vie courante!
Ce prélude est pour moi un sommet de poésie, de nostalgie d'une grande douceur...et quand, il y a fort longtemps je l'ai entendu par Alicia de la Rocha (dans une compil Decca de 2cd avec différents pianistes et oeuvres diverses de Chopin), c'est là que je l'ai ressenti le plus cette nostalgie douce et très profonde. Chaque fois que j'ai l'occasion de l'entendre par un autre pianiste j'espère retrouver la même ambiance, voire encore plus...et je suis chaque fois déçu!...aussi j'espère entendre un jour celui d'Alexandre Tharaud!

La deuxième pièce est aussi de Schubert pour le piano..et de caractère, plus héroîque ou fébrile que la pièce de Chopin...Il s'agit du 1er des trois klavierstück D946...Pour lui je n'ai jamais retrouvé l'urgence inquiète (surtout dans le début de l'oeuvre) ressentie dans un enregistrement du pianiste Hongrois Dedzö Ranki . Un disque que j'avais en microsillon et jamais retrouvé en cd...
tiens une occasion d'aller voir s'il n'est pas revenu!

Plusieurs versions – J’ai longtemps reculé, en préférant avoir plus de musiques différentes à avoir plusieurs fois « la même chose ». Il y a pourtant désormais certaines œuvres dont j’ai plusieurs versions : je pense immédiatement aux Sonates du rosaire de Biber. J’écoute l’une de mes trois versions actuelles (une quatrième quand l’occasion se présentera) selon l’humeur du moment.
Ces variations autour de « la même chose » sont le véritable plaisir de l’amateur, me semble-t-il. C’est aussi toujours son secret espoir : que le nouveau, même s’il reprend l’ancien, apporte un écho renouvelé à ce qu’on croyait si bien connaître (c’est d’ailleurs aussi l’espoir du producteur de disques...).

Jean-Michel a écrit:

C’est aussi toujours son secret espoir : que le nouveau, même s’il reprend l’ancien, apporte un écho renouvelé à ce qu’on croyait si bien connaître (c’est d’ailleurs aussi l’espoir du producteur de disques...).

en effet! et quelques fois une simple ambiance sonnore, prise de son ou lieu d'enregistrment, fait toute la différence, alors que l'interprétation peut avoir des qualités semblables!

Découvrir de l'interieur , émotion rare, j'ai ressenti çà dès la première écoute d'une oeuvre relativement modeste et certainement entendue dans une version difficile à surpasser: le Stabat Mater de MA Charpentier dans la version de Jordi Savall avec Montserrat Figueras, Maria Cristina Kier, Gérard Lesne, John Elwes....Une mélodie toute simple reprise avec variation d'instruments et solistes au cours de toutes les strophes...une mélopée envoutante qui me tire des larmes chaque fois que j'écoute

Jean a écrit:

en effet! et quelques fois une simple ambiance sonore, prise de son ou lieu d'enregistrement, fait toute la différence, alors que l'interprétation peut avoir des qualités semblables !

... ou une voix : Christoph Prégardien, Jan van Elsacker,
Sara Mingardo, Bernarda Fink... J'exagérerai un peu en disant qu'il y a des chanteurs qui me confondent dès qu'ils ouvrent la bouche - ou pour être plus précis, qui non seulement ont une belle voix mais qui savent ce qu'ils en font, qui font chanter ce qu'ils interprètent.

Je m'écarte un peu de ce qui précède, mais c'est l'occasion de souligner deux émotions différentes :
(1) Philippe Jaroussky dans son disque Ferrari : c'est beau, le chant est angélique, l'admiration vous pénètre,
(2) Jan van Elsacker dans la Nativité de Schütz, c'est beau et profondément humain - d'une humanité dont je ne suis certain d'être souvent capable moi-même et qui me touche donc d'autant plus.
Le premier me met au spectacle, le deuxième me renvoie à moi-même. C'est dans le deuxième cas que la musique me rend meilleur.

(Je viens de mettre la plage 7, le Stabat, du Charpentier par Savall)

http://fr.youtube.com/watch?v=QYlEo0hbPEM

J'avais la musique, pas les images du Charpentier !

Il s'agit d'un concert qui n'a pas tout a fait les mêmes chanteurs...et puis je me souviens que l'image te gène plus souvent qu'elle ne t'apporte un plus!...

Tu as bonne mémoire ! Image et son, il faut que ça soit voulu, que ça s'accorde ou que ça soit volontairement différent (je pense à un film de Resnais, des images dures, une musique légère) : dans le cas de la musique, l'image me semble presque toujours superflue parce que c'est finalement de musique qu'il s'agit. C'est presque l'objet d'une autre discussion.

oui çà n'a plus trop sa place dans le fil que tu as créé!