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| Mustapha Kemal Atatürk | |
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Bertrand Administrateur et Mahlerien du forum
Nombre de messages : 14522 Age : 41 Localisation : A Strasbourg dans mon musée imaginaire Date d'inscription : 12/02/2007
| Sujet: Mustapha Kemal Atatürk Jeu 24 Juil - 22:54 | |
| S'il existe des hommes pour endosser le destin de leur nation, les relever, et les accompagner dans leurs plus profondes mutations, Mustapha Kemal Atatürk est de ces Hommes. De ces Hommes dont il y a tellement à dire ou à médire tant leur oeuvre est colossale.
Mustapha Kemal Atatürk, le Ghazi (le Victorieux), mit ainsi sa vie au service de la nation turque, lui offrant une République moderne bâtie sur les ruines d'un empire ottoman victime de son archaïsme et défait au sortir de la première guerre mondiale.
C'est ainsi qu'Atatürk entra dans l'Histoire de la Turquie pour son génie militaire, l'héroïsme de sa résistance, puis pour son extraordinaire habileté et pugnacité politique. Un talent qu'il employa pour rénover la société turque à travers de nombreuses réformes visant à l'insérer dans le monde occidental.
Aussi, lorsque la Turquie voit depuis quelques années son avenir européen obscurci, c'est tout l'héritage d'Atatürk qui pourrait se voir remis en cause. Dans ce pays qu'Huntington classe au rang des pays déchirés entre deux civilisations, ni totalement occidental, mais pas islamique pour autant, les enjeux liés à l'intégration de la Turquie dans l'union européenne sont donc fondamentaux. L'oeuvre de Mustapha Kemal résisterait-elle aux forces d'un repli vers la civilisation islamique, conséquence prévisible d'un rejet définitif par l'Europe ?
Pour découvrir ce personnage, c'est tour à tour que nous explorerons, le génie militaire, le résistant, le fondateur de la République, mais aussi le Grand Homme au sens hegelien. De Mustapha Kemal à Atatürk, je vous invite à prendre connaissance d'un homme qui a laissé sa trace dans l'Histoire.
Mustapha Kemal, le génie militaire
Né en 1881 à Salonique (désormais en Grèce), alors territoire ottoman, il fit toutes ses classes dans les écoles militaires achevant son parcours au sein de la prestigieuse Académie de Guerre en 1905 à 24 ans. Il embrassa ainsi initialement une brillante carrière militaire gravissant tous les échelons jusqu'au grade de Général. De son activité dans l'armée, l'Histoire retiendra de précieuses et ingénieuses victoires. Parmi les plus marquantes, la bataille des Dardanelles (Canakkale) lui vaudra le respect de la nation et de ses adversaires. En effet, en 1915 il repoussa les troupes britanniques de l'Entente qui avaient débarqué à Ariburnu (côte ouest de la Turquie actuelle) et défait plusieurs régiments qui n'étaient pas encore sous son commandement.
Malgré les coups d'éclat du stratège militaire, l'empire ottoman ne parvint à résister aux forces de l'Entente. En effet, l'empire est submergé par les français, les italiens, les russes et les anglais. Ainsi, le Sultan Mehmet VI reconnaît la défaite et capitule en octobre 1918 par la signature de l'armistice de Moudros, prélude du Traité de Sèvres (1920) qui achèvera de démanteler l'empire Ottoman. | |
| | | Bertrand Administrateur et Mahlerien du forum
Nombre de messages : 14522 Age : 41 Localisation : A Strasbourg dans mon musée imaginaire Date d'inscription : 12/02/2007
| Sujet: Re: Mustapha Kemal Atatürk Jeu 24 Juil - 22:55 | |
| Mustapha Kemal, le résistant Cependant, alors que Mustapha Kemal est nommé inspecteur général des armées dans le nord et le nord-est par le sultan après l'armistice, il apprend que les soldats grecs débarquent à Smyrne, en Anatolie sans aucune autorisation des négociateurs du Conseil des Quatre (France, Royaume-Uni, Italie et Russie). Au lieu de démobiliser ses troupes, Mustafa Kemal les regroupe, les renforce et les forme pour le combat. Dans sa circulaire d'Amasya du 22 juin 1919, il dénonce la faiblesse du gouvernement d'Izzet Pacha (le nouveau Vizir imposé par les vainqueurs), convoque des congrès nationaux à Erzeroum, à Sivas, se fait élire président et lance un « pacte national » d'indépendance. Il ne prétend pas dépasser les limites fixées par les Alliés. Mais Istanbul, partiellement occupé par les Britanniques, le considère comme un rebelle, alors que les députés patriotes se rallient à lui. Une Grande Assemblée Nationale turque, élue par ses soins, se réunit à Ankara en avril 1920. Elle délègue ses pouvoirs à un conseil des ministres dont le chef est Mustafa Kemal, en même temps président de l'Assemblée.
Mustafa Kemal devient le chef de la résistance au traité de Sèvres signé le 10 août 1920. Une nouvelle et longue guerre est alors engagée contre les Grecs, mais aussi contre les Arméniens, qui doivent rendre Kars, Trébizonde et Ardahan aux Turcs, sans que les Alliés interviennent.
Face à l'humiliation que représentait le Traité de Sèvres, Mustapha Kemal poursuivit son bras de fer avec Istanbul. Le gouvernement officiel ayant renoncé à l'intégrité du territoire, c'est au nom d'un contre-gouvernement installé à Ankara et légitimé par la Grande Assemblée Nationale que Mustapha Kemal poursuit la lutte armée et politique.
Ainsi on peut résumer par ces quelques faits d'armes l'activité de résistance organisée par Mustapha Kemal :
• Reprise de Sarikamis (le 20 septembre 1920), de Kars ( le 30 octobre 1920) et de Gümrü (le 7 novembre 1920),
• Défenses de Çukurova, Gazi Antep, Kahraman Maras et sanli Urfa (1919 - 1921)
• Première Victoire d'Inönü (les 6-10 janvier 1921)
• Seconde Victoire d'Inönü (le 23 Mars- le 1 avril 1921),
• Victoire de Sakarya (le 23 août-le 13 septembre 1921)
• La Grande attaque, bataille du commandant en chef et la grande victoire (le 26 août-9 septembre 1922)
Après la victoire de Sakarya, l'Assemblée nationale conféra le grade de maréchal et le titre de Ghazi (victorieux) à Mustapha Kemal. La guerre d'indépendance pris fin par l'accord de Lausanne, qui fut signé le 24 juillet 1923. Par conséquent, il n'y avait plus aucun obstacle à la création d'un nouvel Etat turc sur le sol turc, basé sur l'union nationale. | |
| | | Bertrand Administrateur et Mahlerien du forum
Nombre de messages : 14522 Age : 41 Localisation : A Strasbourg dans mon musée imaginaire Date d'inscription : 12/02/2007
| Sujet: Re: Mustapha Kemal Atatürk Jeu 24 Juil - 22:55 | |
| Atatürk, batisseur de la Turquie moderne
Le 29 octobre 1923, Mustapha Kemal proclame la République Turque, en est élu Président par l'Assemblée Nationale, et entreprend de réformer en profondeur une société encore marquée par des siècles de domination Ottomane. Son projet s'inscrit alors en rupture totale avec toutes les vieilles institutions qui devront céder le pas à une société turque qui épousera les valeurs sociales et culturelles admises dans le monde occidental, modèle civilisationnel qu'adoptera Atatürk. C'en est donc bientôt fini du califat et de son pouvoir religieux au nom de l'Islam.
Ainsi, après avoir supprimé le califat et expulsé les derniers Osmanli, représentants de la dynastie ottomane en 1924, le Ghazi est conscient de l'immense travail qui l'attend lorsqu'il affirme que « pour réussir dans cette voie, nous avons besoin de travailler plus socialement que politiquement » .
Dans son entreprise de réforme, Atatürk mènera plusieurs chantiers. À commencer par celui de la laïcisation. Ce dessein le conduira à oeuvre tant dans les domaines juridiques, que ceux liés à l'éducation tout en poursuivant un projet de domestication des pouvoirs religieux.
Ainsi, sur le plan juridique, la Turquie abandonnera en 1926 le Mecelle, droit d'inspiration religieuse, au profit du Code civil suisse, alors le plus récent des codes civils au sein de ce que Mustapha Kemal nomme les « nations civilisées » . Par cette réforme, Atatürk mettra un terme aux différences de traitement juridiques en fonction des ethnies, tous les turcs (musulmans, chrétiens,...) sont désormais sous un seul et même Code.
Cependant, l'identité nationale que veut encourager Atatürk nécessita aussi de refondre le système scolaire pour s'engager sur la voie d'une unité de l'enseignement. Un même enseignement pour tous étant la garantie de la cohésion nationale et de l'adhésion populaire des prochaines générations, il supprima progressivement toutes les Médrésés (écoles coraniques) au profit de l'école laïque d'éducation nationale. Revisitant le fond et la forme de la culture turque, Atatürk dota sa nation d'un nouvel alphabet, l'alphabet turc directement dérivé de l'alphabet latin qui a cours dans les sociétés occidentales. Dans ce travail imposant, il s'engagea personnellement allant jusqu'à participer à l'enseignement des nouveaux caractères sur les places publiques. Outre ce nouvel alphabet, c'est la langue turque elle-même qu'Atatürk décida de rénover en l'affranchissant de ses anciennes règles et exceptions pour en faire une des langues parmi les plus simples à apprendre, facilitant d'autant un accès à la culture pour tous.
Fort de ce nouvel outil linguistique réformé, il pouvait poursuivre la construction de l'identité nationale turque à travers la création de l'Institut National d'Histoire. Il fallait scientifiquement réécrire l'Histoire du peuple turc pour forger le sentiment de fierté nationale et rompre définitivement avec l'absence de mémoire collective turque, conséquence de la domination ottomane. Mais l'occidentalisation ne devait pas s'arrêter là. Ainsi, tout ce qui caractérisait l'occident était bon à transposer dans les moeurs turques. Avec pour but de faciliter les relations avec ses futurs partenaires, Atatürk introduisit le calendrier grégorien et le système d'heure international. Et pour pousser la mutation au plus profond des habitudes jusque dans la vie intime de chaque turc, Mustapha Kemal s'attaqua même au code vestimentaire, interdisant le port des coiffes locales (fez, kalpak) au profit du chapeau occidental, et faisant adopter à l'administration le costume tel qu'on le porte en occident.
Suivant la même logique, il instaure en 1934 la notion de nom de famille, c'est à cette occasion que l'Assemblée Nationale lui attribuera le nom d'Atatürk, ou père de tous les turcs, tel que la population le surnommait. Autre point essentiel de ses réformes, le statut de la femme. Jusqu'alors au ban de la société, Atatürk décide de leur donner la place qui doit être la leur dans un Etat moderne, à savoir la même que celle de l'homme. Les femmes turques ont ainsi acquis en 1926 leurs droits sociaux , civiques et politiques. Libres de voter, d'être élue, d'avoir accès à l'éducation et au travail, mais aussi affranchies du port du voile, de la répudiation, et de la polygamie derniers vestiges de l'obscurantisme religieux. Par ces mesures avant-gardistes, Mustapha Kemal montrait qu'il percevait parfaitement « ...[qu'] une société se compose de femmes et d'hommes. Est-il alors possible qu'une partie de cette société évolue, que l'autre soit négligée, et que l'ensemble progresse? ».
Toutefois, si l'ensemble des mesures précitées devait assurer l'unité du pays, il ne garantissait pas pour autant l'indépendance, second pilier du Pacte National, base de la révolution entreprise par Atatürk. C'est donc tout naturellement que le secteur économique fut aussi l'objet des réflexions du Ghazi. Au de là d'une stratégie économique favorisant l'essor de l'industrie par une large implication de l'État, c'est l'éthique même de l'économie dans la culture turque qui sera révolutionnée. La pauvreté n'est plus cette vertu religieuse promettant le repos après la mort du corps. Le matérialisme sera désormais de mise conformément aux valeurs de l'occident.
Atatürk, le Grand Homme et la postérité
Après avoir été réélu à quatre reprises à la présidence de la République de Turquie, Atatürk décède le 10 novembre 1938. Il reste à ce jour l'homme qui a fondé la Turquie moderne, sa popularité demeure immense au sein de sa patrie, et il n'est pas rare de croiser encore aujourd'hui des portraits du Ghazi dans les foyers turcs. Cet homme déterminé et à la poigne de fer, que certains présentent comme un autocrate, marqua donc l'histoire de son pays. Mais probablement que son oeuvre n'aurait pas perduré aussi longtemps sans une Armée toujours omniprésente dans la vie politique turque et gardienne des valeurs républicaines et laïques. Cependant, si la Turquie veut accéder à un niveau de démocratie plus élevée, peut-elle continuer à laisser autant de pouvoir à un corps sans légitimité démocratique ? Une armée qui fait et défait les gouvernements comme en 1997 lorsqu'elle poussa Erbakan à la démission, contraignant le pays à de nouvelles élections.
Enfin, prenons un peu de recul historique sur le personnage et son inscription dans l'histoire. En effet, si l'on accepte la thèse de Fukuyama selon qui la fin de l'histoire se réalisera dans l'hégémonie occidentale sur le monde, en toute hypothèse il est alors permis de penser qu'Atatürk a suivi la linéarité de l'histoire en endossant le rôle de grand homme au sens hegelien. | |
| | | Bertrand Administrateur et Mahlerien du forum
Nombre de messages : 14522 Age : 41 Localisation : A Strasbourg dans mon musée imaginaire Date d'inscription : 12/02/2007
| Sujet: Re: Mustapha Kemal Atatürk Jeu 24 Juil - 23:00 | |
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| | | Bertrand Administrateur et Mahlerien du forum
Nombre de messages : 14522 Age : 41 Localisation : A Strasbourg dans mon musée imaginaire Date d'inscription : 12/02/2007
| Sujet: Re: Mustapha Kemal Atatürk Jeu 24 Juil - 23:01 | |
| J'avoue une certaine fascination pour cette homme qui symbolise ce qu'est vraiment la Turquie. A son propos je recommande ce livre | |
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| Sujet: Re: Mustapha Kemal Atatürk | |
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