Né à Bruxelles, le 30 mars 1904, Edgar-Pierre Jacobs vécut deux vies. La seconde, celle d’auteur de bandes dessinées, débuta à quarante ans. La première fut consacrée à son rêve de toujours : l’opéra.
Edgar-Pierre Jacobs avait le chant dans le sang, l’opéra dans l’âme, quasiment depuis sa naissance, le 30 mars 1904. Pour s’offrir ce morceau de paradis, il exerça nombre de métiers : dessinateur de bijoux, retoucheur de photographies, illustrateur de catalogues pour les grands magasins de Bruxelles, publicité. Mais le dessin le passionnait depuis l’enfance. Ses sujets étaient souvent riches en costumes et en décors, toujours historiques. En 1921, ce jeune homme au romantisme aristocratique devient figurant au Théâtre royal de la monnaie. Il participe, avec Mistinguett, aux représentations bruxelloises de la grande revue du casino de Paris. En 1929, Jacobs remporte le Grand Prix de chant avec médaille du gouvernement. L’opéra de Lille accueille le jeune baryton. Le “dessinateur à voix” croit pouvoir ranger définitivement ses plumes et ses pinceaux. C’est compter sans la guerre.
En 1940, il doit abandonner la scène. Son ami le dessinateur Jacques Laudy, qui servira par ailleurs de modèle à Blake, le présente au journal pour enfants Bravo, le titr phare à l’époque. Il y réalise de merveilleuses illustrations de contes. En 1942, les Allemands interdisent Flash Gordon. Jacobs en dessine une fausse fin. En 1943, il est chargé de concevoir une série basée sur le même canevas que la série d’Alex Raymond. Les héros (Marduk, Lord Calder, Dagon) et les thèmes centraux (décors majestueux, civilisations antiques...) du Rayon U préfigurent Blake & Mortimer.
Il n’a jamais lu Tintin lorsque, en 1943, il fait la connaissance d’Hergé. Ce dernier l’engage comme coloriste et comme décoriste. Les deux hommes resteront amis jusqu’à la mort. Jacobs participe à la refonte des Tintin noir et blanc destinés à connaître une nouvelle vie en quadrichromie. Deux nouveautés (Les 7 Boules de cristal et Le Temple du Soleil) portent la marque Jacobs.
Lorsque, en 1946, Raymond Leblanc lance le Journal de Tintin, Hergé pense à Jacobs. Cuvelier (Corentin) et Laudy (Hassan et Kaddour) sont les deux autres mousquetaires. Instinctivement porté vers une histoire médiévale “en costume” (Roland le Hardy), Jacobs se voit conseillé de faire une histoire contemporaine. Le Secret de l’espadon prend son envol vers la légende. Un ami d’enfance, Jacques Van Melkebeke, est rédacteur en chef. Il sert de modèle à Mortimer et participe à l’élaboration des meilleurs albums de la série.
En 1947, Jacobs abandonne sa collaboration avec Hergé pour se consacrer exclusivement à Blake & Mortimer. Huit aventures voient le jour : Le Secret de l’espadon, Le Mystère de la grande pyramide, La Marque jaune, L’Énigme de l’Atlantide, S.O.S. Météores, Le Piège diabolique, L’Affaire du collier et Les 3 Formules du professeur Satô. Ses mémoires (Un Opéra de papier) paraissent 1981. Edgar-Pierre Jacobs décède, le 20 février 1987, dans sa demeure du Bois-des-Pauvres.