Vaisselle

A défaut de commencer par la terre de Soufflenheim, je vais montrer quelques pièces de ma potière strasbougeoise, Catherine Fausser. J’aime depuis de nombreuses années ce qu’elle fabrique, sa manière a beaucoup changé, elle aime surtout faire ce qui lui plaît – les séries, ça n’est pas vraiment pour elle. Ce sont donc à chaque fois des pièces uniques, même si à une même période elles peuvent beaucoup se ressembler. Voici un premier aperçu.
Coupe en terre rouge, motifs noirs (après un voyage en Afrique noire)

Coupe en terre fumée, motif en dentelle

Trois bols, fabriqués il y a quelques années

Si vous voulez passer la voir, elle est parfois au 22 de la rue du Bain-aux-plantes en personne : c’est une femme charmante qui sait parler de ce qu’elle fait.

L’usage de récipients de grès est attesté en Alsace au Moyen Âge, mais ce sont des potiers venus d’Allemagne qui en reprirent la fabrication à partir du XVIIIe siècle. Ils créèrent des ateliers à Betschdorf, à Saverne et à Niedersteinbach. Betschdorf reste depuis le XIX° siècle le centre de production de grès au sel. Cuit à haute température (1250° C), le grès est une céramique aux pores resserrés. On l’utilise surtout pour fabriquer des récipients destinés à contenir des liquides et des aliments conservés en saumure.

Pot à beurre, atelier Wingerter, XIXe siècle

Quelques objets usuels
Pichet contemporain

Je vais continuer ma brève présentation de la vaisselle en Alsace. Chez la plupart des gens, la vaisselle était soit en étain soit en terre, comme celle qu’on fabrique encore à Soufflenheim. Les pièces en grès qui ne sont pas poreuses étaient réservés à la conservation des aliments comme la choucroute ou le saindoux. La faïence et la porcelaine populaire étaient importées ; les Hannong produisaient certes à partir du XVII° siècle de la faïence mais elle était destinée à une clientèle riche. Les plus riches se servaient d’argent, de vermeil, d’étain fin ou de faïence ou de porcelaine spéciales. Les couleurs de la vaisselle en terre étaient le plus souvent blanc-crème, rouge-ocre ou brun foncé. On décore la poterie, on la vernit puis on la cuit à environ 900 degrés. Outre les assiettes, les potiers fabriquaient des moules (par exemple à kouglof) ou des terrines (par exemple pour le Beckeoffe). Exemples de motifs et de couleurs courantes autrefois :

Ce que j’aime dans cette vaisselle simple : elle me lie à des siècles passés - non pas au passé que je peux connaître par mes grand-parents qui avaient évidemment ou de la faïence ou de la porcelaine, mais au passé plus lointain qu’il faut réinventer. Elle est fragile, pas question de l’entrechoquer sans précaution, elle demande de la laver à la main. C’est une vaisselle de l’humble geste de chaque jour. Ses motifs ont traversé les siècles – ici pas d’invention, pas d’originalité, mais une forme reproduite et revivifiée.
Les points plus clairs sont des traces d'usure : la patine du vernis aux endroits du relief. On distingue aussi des craquelures sur le brun foncé.

On ressent qu'elle a une histoire!

Alors le but recherché est atteint.