L’affaire du collier de la reine est une escroquerie qui eut pour victime, en 1785, le cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg, et qui éclaboussa la reine Marie-Antoinette.
L’instigatrice de cette affaire est Jeanne de Valois qui descend par son père, et par la main gauche, du roi Henri II (de Valois)et de sa maîtresse Nicole de Savigny. En tant que descendante des Valois (le fait est attesté officiellement par d'Hozier, le généalogiste du roi, et, à ce titre, elle touchera une pension de Louis XVI), elle a bénéficié des largesses de la bonne marquise de Boulainvilliers qui lui fera donner une bonne éducation dans un couvent situé près de Montgeron. En 1780 elle épouse à Bar-sur-Aube, un certain Nicolas de La Motte qui, à l'occasion de l'obtention d'un grade dans les gardes du comte d'Artois, se délivre, à lui-même, le titre de comte. Dès lors Jeanne de Saint-Rémy ne se fait plus appeler que comtesse de La Motte, auquel elle rajoute parfois Valois. À cette date, elle fait un voyage à Saverne, rejoindre Mme de Boulainvilliers qui lui présente son ami le cardinal Louis de Rohan-Guéméné, auquel elle fait appel financièrement pour sortir de la misère dans laquelle elle se trouve. C'est là aussi qu'elle rencontrera le mage Giuseppe Balsamo qui se fait appeler comte de Cagliostro. Celui-ci gravite aussi autour du cardinal de Rohan, en lui soutirant de l'argent en échange de soit-disant miracles. Il change, entre autres, le plomb en or et la silice en diamants!!
Profitant de ce que Versailles est largement accessible au public, elle tente de se mêler à la Cour. Elle parvient à convaincre le cardinal qu’elle a rencontré la reine, Marie-Antoinette et en est même devenue l'amie intime. Un complice, Marc Rétaux de Villette, un ami de son mari, joue les faussaires en imitant parfaitement l'écriture de la reine. Il réalise pour Mme de La Motte de fausses lettres signées Marie-Antoinette de France alors qu’elle ne signait, bien sûr, que Marie-Antoinette. Elle va ainsi entretenir une fausse correspondance, dont elle est le messager, entre la reine et le cardinal dont le but serait de les réconcilier.La reine et le cardinal ont, en effet, un vieux contentieux: en 1773 le cardinal, qui était alors ambassadeur à la Cour d'Autriche s'était aperçu que l'impératrice Marie-Thérèse, la mère de Marie-Antoinette, jouait un double jeu et préparait en sous main le démantélement de la Pologne. Avec l'aide de la Prusse et de la Russie qui n'étaient pas des alliés de la France. Il avait écrit une lettre à Louis XV pour l'en avertir, lettre qui avait été détournée par le duc d'Aiguillon, ministre des affaires étrangères, qui l'avait remise à la comtesse du Barry que détestait Marie-Antoinette. La comtesse l'avait sortie dans un diner, comme si le cardinal la lui avait envoyée personnellement.
Comme la reine était, depuis cet épisode, en froid avec le cardinal, la comtesse de La Motte fait espérer au cardinal un retour en grâce auprès de la souveraine. Dans un premier temps elle lui soutire 60 000 livres en deux fois. Elle a, en effet, toujours de gros besoins d'argent. Les fausses lettres font soupçonner un début de retour en grâce, tout en repoussant indéfiniment les rendez-vous successifs demandés par le cardinal pour s'en assurer.
Or à cette époque les rendez-vous galants, sous le couvert de voilettes et de capes, dans les bosquets de Versailles, font fureur. Le comte de la Motte a découvert qu'une prostituée, Nicole d'Oliva, opérant au Palais Royal, ressemble à la reine. Mme de La Motte la reçoit et la convainc de bien vouloir, contre une généreuse somme, de jouer le rôle d'une grande dame recevant en catimini un ami. Tout cela dans le but de jouer un tour à un ami très proche. Le 11 août 1784, le cardinal se voit enfin confirmer un rendez-vous au Bosquet de Vénus à onze heures du soir. Là, Nicole d'Oliva déguisé en Marie-Antoinette l’accueille avec une rose et lui murmure un « Vous savez ce que cela signifie ». Immédiatement Mme de La Motte apparaît, signalant un danger imaginaire et s’enfuit avec sa complice. Le lendemain le cardinal reçoit une fausse lettre de la « reine » regrettant la brièveté de la rencontre.
Jouant sur la passion de la reine pour les bijoux, Mme de La Motte va réussir le coup de sa vie en escroquant le cardinal, et cela pour la somme fabuleuse de 1,6 million de livres. Le joaillier du roi Charles Bœhmer a en effet conçu une extraordinaire parure de plus de 600 diamants, soit 2500 carats; destinée à l’origine à la comtesse Du Barry. La mort de Louis XV a contrarié le projet, et aucune cour européenne ne veut d’un bijou si coûteux. Le collier a déjà été présenté au moment du sacre du roi puis à plusieurs reprises à Marie-Antoinette en 1782, mais Louis XVI n'a jamais réussi à prendre la décision de l’acquérir. Le bijoutier, ne trouvant aucune autre clientèle pour cette pièce, risque d’être ruiné. La comtesse de La Motte, sachant qu'elle était proche de la reine a été contactéee et le 28 décembre 1784, elle rencontre le bijoutier qui lui montre le collier. Tout de suite elle imagine un plan pour entrer en sa possession. Elle va intervenir pour que, par son intermédiaire, Marie-Antoinette se montre intéressée par l'achat du bijou en demandant au cardinal de servir d'intermédiaire financièrement. Prétendant dans de fausses lettres ne pas pouvoir se permettre d’acquérir ouvertement le bijou, elle fait demander au cardinal par Mme de la Motte de lui servir d’entremetteur, s’engageant à le rembourser en versements étalés dans le temps – quatre versements de 400 000 livres – et lui remettant une lettre, signé "Marie-Antoinette de France" lui octroyant pleins pouvoirs dans cette affaire.
Avec la complicité opportune de Joseph Balsamo, dit Cagliostro, la prétendue comtesse parvient à convaincre le prélat d’un oracle confirmant l’affaire. Mais surtout le cardinal pense avoir trouvé là le moyen de se réconcilier définitivement avec Marie-Antoinette et trouvé aussi par ce moyen, l'occasion de développer encore ses relations avec le roi qui, pourquoi pas, pourrait le nommer premier ministre. Le 1er février 1785, convaincu, le cardinal signe les quatre traites et se fait livrer le bijou qu'il va porter le soir même à Mme de La Motte à Versailles. Devant lui, elle le transmet à un prétendu valet de pied de la reine qui n'est autre que son complice, le faussaire. Pour avoir favorisé cette négociation, l’intrigante bénéficiera même de cadeaux du joaillier.
Immédiatement les escrocs ont démonté le collier et commencé à revendre les pierres. Rétaux de Villette a quelques ennuis en négociant les siennes. Leur qualité est telle qu'il est dénoncé par des diamantaires juifs. Il prouve sa bonne foi et part à Bruxelles vendre ce qui lui reste. Le comte de La Motte part lui proposer les plus beaux diamants à deux bijoutiers anglais de Londres. Ceux ci envoient un émissaire à Paris. Mais aucun vol de bijoux de cette valeur n’étant connu, ils les achètent, rassurés. Les dernières pierres seront vendues à Londres. Et tout le monde attend le 1er août, date de la première échéance. Mais les bijoutiers et le cardinal s'inquiètent de voir que la reine ne porte pas le collier. Mme de La Motte convainc le prélat et le bijoutier que, si la reine ne porte pas la parure, c’est qu’elle a dû la vendre à la favorite du sultan. Et que tout est normal. En juillet cependant, la prétendue comtesse demande au cardinal de trouver des prêteurs pour aider la reine à rembourser. En effet elle a du mal à trouver les 400.000 livres qu'elle doit à cette échéance. mais le bijoutier va faire capoter l'affaire en allant voir directement la femme de chambre de Marie-Antoinette, Mme Campan. Celle-ci en parle à la reine qui découvre, surprise, cette dette. L’affaire est transmise au ministre de la Maison du roi, le baron de Breteuil, un adversaire personnel du cardinal. Celui-ci, mis au courant se frotte les mains.
La prétendue comtesse, sentant les soupçons, s’arrange pour procurer au cardinal un premier versement de 30.000 livres. Mais les bijoutiers n'acceptent pas une somme si faible. L'affaire va alors s'étaler aux yeux de la Cour ébahie. Le roi est prévenu le 14 août. Le 15 août, alors que le cardinal – qui est également grand aumônier du roi – s'apprêtait à célébrer en grande pompe la messe de l’Assomption dans la chapelle de Versailles, il se voit sommer d’expliquer le dossier constitué contre lui. Le cardinal est arrêté devant toute la cour, dans la Galerie des glaces et emprisonné à la Bastille. Comprenant un peu tard qu'il a été berné, il va, immédiatement, commencer à rembourser les sommes dues, en vendant ses biens propres, dont son château de Coupvray. La prétendue comtesse est arrêtée, son mari s’enfuit à Londres avec les derniers diamants – Rétaux de Villette étant déjà en Suisse. Le roi laisse le cardinal choisir entre la justice du roi et le Parlement, décision funeste, le Cardinal décidant de mettre l'affaire dans les mains du Parlement qui est toujours, plus ou moins, en fronde contre autorité du Roi.
Le 22 mai 1786, le procès s’ouvre devant le Parlement de Paris et le 30 rend son verdict. Nicole D'Oliva, Cagliostro et le cardinal sont acquittés; Rétaux de Villette est banni; La Motte est condamné aux galères à perpétuité par contumace et la prétendue comtesse, à la prison à perpétuité à la Salpêtrière, après avoir été fouettée et marquée au fer.
Furieuse de ce jugement, Marie-Antoinette obtient du roi qu’il exile le cardinal de Rohan à la Chaise-Dieu, l’une des abbayes en commende du cardinal, après l'avoir démis de son poste de grand aumônier. Il restera trois mois dans cette abbaye, après quoi il ira sous des cieux plus cléménts, à l'abbaye de Marmoutier près de Tours. Ce n’est qu’au bout de trois ans, le 17 mars 1788, que le roi l’autorisera à retrouver son diocèse de Strasbourg.
Cette affaire ternira encore un peu plus la réputation de la reine, accusée d'avoir, par ses dépenses excessives, largement participé au déficit du budget du royaume. Elle aura sa part de responsabilités dans la chute de la royauté quatre ans plus tard et dans le déclanchement de la Révolution.
Elle inspira le roman Le Collier de la reine à Alexandre Dumas et donna lieu à un film de Marcel L'Herbier.