Dans la vie on croit parfois tout connaître, avoir appréhendé tous les aspects de certains domaines, de certaines oeuvres.
Après l'écoute de cette nouvelle 9ème de Mahler par Rattle et Berlin, je peux en tout cas musicalement, vous certifiez le contraire. L'art et la musique ne connaissent Dieu merci aucunes limites. Personne ne pourra jamais en faire le tour, heureusement serait-on tenté de dire, car nos vies en perdraient de leur saveur. Vous êtes bien placé ici pour savoir pourtant que j'ai exploré le répertoire symphonique en profondeur, et que dire de cette démarche dans Mahler ! Combien de version écoutées !? Je ne les compte plus, car le plaisir ne saurait se réduire à des chiffres.
Cette nouvelle 9ème de Mahler succède aux récentes parutions des versions de Sinopoli par exemple chez profil. La mode est à Mahler, chaque grand chef doit s'y mesurer, (Noseda chez Chandos dans la 10ème, Gergiev dans la 6ème LSO...) comme une sorte de passage obligé pour obtenir ses galons de maestro reconnu. Mais à quel prix qualitativement ? Combien de ratés ?
Beaucoup en voyant que Rattle reprend une fois de plus cette 9ème qu'il a déjà abordé à Vienne par exemple (coffret intégrale EMI), on dû se dire "encore une version de plus !". Réaction légitime devant la discographie pléthorique ou des Karajan, Walter, Abbado, Klemperer, Maderna pour ne citer qu'eux trônent en roi. Mais vous l'aurez compris d'avance, c'etait sans compter sur Sir Simon Rattle.
Le style Rattle dans Mahler se résumerait en un slogan simple "on va tout vous faire entendre !". Et c'est tellement vrai. On redécouvre littéralement l'oeuvre ici. Grâce à une prise de son idéale (pourtant de concert-festival de Salzbourg-), Rattle peut exposer à l'auditeur toute l'étendue de cette partition assez complexe, comme toujours chez Mahler. La direction est fine et intelligente, il faut le dire. Et au passage casser ce postulat bien français de dire que Rattle a casser le son berlinois, c'est faux qu'on se le dise enfin. Que les esprits chagrins qui disent cela écoute ce disque !
Rattle choisit donc un tempo assez libre et fluctuant. Le but en étant de coller au plus près de l'oeuvre et de son message. On oscille en permanence entre le dramatique et le méditatif total.
Rattle arrive donc a dénouer parfaitement les fils de la 9ème, la rendant parfaitement accessible à tous. A l'image de ce que peut faire un Boulez, mais avec une différence cruciale pour cette symphonie. La 9ème c'est un peu la mise en terre symphonique de Mahler, sa lente agonie suit celle de la musique. On ne peut donc pas offrir une 9ème dénuée de sentiment, ca doit transpirer le drame, la sensibilité. Bien sûr en évitant trop les pathos mais tout de même la musique c'est avant tout une histoire de coeur surtout ici. Rattle y parvient magnifiquement, on a souvent reproché au chef de Liverpool ce penchant démonstratif, il ne doit justement pas s'en cacher car il sert bien la musique.
Si Rattle est un chef hors normes à tous les sens du terme, que faudrait-il dire du Berliner Philarmoniker ? Tout simplement qu'il est le meilleur orchestre du monde, cela suffira à lui rendre justice. Ses pupitres sont affolants de beauté, que dire de perfection. Comme souvent d'ailleurs. Hormis Vienne et Amsterdam, aucun orchestre ne sert aussi bien Mahler que Berlin. La prise de son EMI, met en évidence cette perfection du son berlinois, la chaleur à peine croyable des cordes. A titre personnel, avec de telles qualités je rêve de retrouver la meme équipe dans la 3ème et la 7ème symphonie du meme compositeur.
Cette 9ème symphonie est donc une totale réussite. EMI peut se féliciter d'avoir eut le courage d'en publier une nouvelle version malgré la richesse de la discographie. Un disque qu'il faut recommander aux novices qui trouveront ici une parfaite première approche grâce à la pédagogie du chef. Les connaisseurs seront ravis de retrouver Rattle et Berlin à leur meilleur. Après la 6èmes (label de l'orchestre), les 5 et 10èmes (chez Emi), cette nouvelle 9ème confirme le trio gagnant qu'est l'axe Rattle-Mahler-Berlin.