Karl Amadeus Hartmann (1905-1963) était un compositeur allemand, qualifié par certains de « plus grand symphoniste du XXe siècle », en référence à ses huit symphonies « majeures ».
Biographie
Il naquit le 2 août 1905 à Munich, dans une famille vouée aux beaux-arts, son père et un de ses frères étant peintres. Il commença ses études en 1919, à Pasing, près de Munich, pensant d'abord se consacrer à une carrière d'enseignant, avant d'interrompre ses études en 1922, puis de les reprendre en 1924, en changeant de voie et en entrant à la Staatliche Akademie der Tonkunst, à Munich, où il resta jusqu'en 1927, y étudiant sous la direction de Joseph Haas.
C'est à cette époque qu'il fit la connaissance de Hermann Scherchen, qui encouragea sa vocation, et que, en 1928, il participa à la fondation des concerts organisés par l'association artistique « Die Juryfreien ». Il ébaucha, entre 1928 et 1930, le cycle des opéras de chambre « Wachsfigurenkabinett »", cycle qui resta inachevé.
Profondément épris de démocratie, Hartmann assista avec consternation à l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler et à l'avènement du Troisième Reich en 1933. Plutôt que de choisir l'exil, comme tant d'autres, il préféra demeurer en Allemagne, mais en se retirant complètement de la scène musicale allemande, tandis que certaines de ses œuvres étaient jouées à l'étranger, où sa réputation alla en grandissant, mais que le public allemand ignorait quasiment tout de ce compositeur caché. Pendant ces douze années, jusqu'en 1945, il préféra se consacrer, dans son exil intérieur volontaire, à l'art de la composition.
Durant cette période sombre, Hartmann ne se départit jamais de sa foi en une intégrité morale et en l'humanité. Il sublima dans l'art de la composition son besoin de résistance. Les œuvres écrites à cette époque témoignent de cette attitude : l'opéra Simplicius Simplicissimus, par exemple, traite de la dignité de la personne humaine face aux atrocités de l'époque. Dès 1934, il avait également dédié le poème symphonique Miserae aux prisonniers du camp de concentration de Dachau. En outre, nombre de ses œuvres sont clairement imprégnées du climat pesant de la Seconde Guerre mondiale.
Pendant la guerre, il se perfectionna avec Anton von Webern, qui le « poussera » vers la musique sérielle puis, après la guerre, sortant de sa longue relégation volontaire, il cumula les fonctions officielles à Munich et en Bavière :
il fut nommé dramaturge musical au Bayern Staatsoper ;
il créa notamment, en 1945, le cycle de concerts de musique contemporaine Musica Viva, dont il assura la formation artistique initiale, et dont il resta responsable jusqu'à sa mort ;
puis il assuma la présidence de la section allemande de la Société internationale de musique contemporaine (S.I.M.C.) en 1953.
Il mourut le 5 décembre 1963 à Munich.
Survol de l'œuvre
Outre les diverses classifications thématiques, divers musicologues répartissent les œuvres de Hartmann en trois périodes relativement distinctes, correspondant à diverses phases importantes de la vie du compositeur :
les œuvres dites « de jeunesse », composées avant 1933, et dont un grand nombre ont été reniées et détruites par Hartmann lui-même ;
les œuvres de la relégation volontaire, composées entre 1933 et 1945, dont beaucoup n'ont été découvertes, sous leur forme originelle, qu'après la mort du compositeur ;
les œuvres dites « majeures », composées après 1945, et dont beaucoup reprennent en les remaniant une partie des partitions composées entre 1933 et 1945.
De ce fait, la liste de ses œuvres est relativement complexe.
En fonction des œuvres et des périodes, certains ont décelé dans sa production des influences de Gustav Mahler, Anton Bruckner (œuvres dites « de jeunesse »), Paul Hindemith, Igor Stravinski, Arnold Schoenberg. Inversément, sa propre influence est parfaitement audible dans certaines œuvres de Hans Werner Henze, par exemple dans sa septième symphonie.
Œuvres détaillées
Symphonies « majeures » :
Symphonie n° 1 dite Versuch eines Requiem, pour alto et orchestre, avec des textes de Whitman (1950 : remaniement de la cantate de 1936, temporairement intitulée, en 1948, Symphonisches Fragment)
Symphonie n° 2 dite Adagio (1945, remaniée en 1946)
Symphonie n° 3 (1948-1949, inclut des extraits remaniés de la Sinfonia Tragica et du Klagegesang)
Symphonie n° 4, pour orchestre à cordes (1946-1947, nouvelle version de la Symphonie pour orchestre à cordes et voix de 1938)
Symphonie n° 5 dite Symphonie Concertante(1950, nouvelle version du Concerto pour trompette de 1932, en passant par le Concerto pour instruments à vent, basses et deux trompettes solos)
Symphonie n° 6 (1951-1953, réutilise une partie de la matière de la symphonie L'Œuvre)
Symphonie n° 7 (1957-1958)
Symphonie n° 8 (1960-1962)
Premières œuvres symphoniques :
Symphonie-divertissement pour basson, trombone, double basse et orchestre de chambre (1932-1933, seuls subsistent des fragments)
Miserae, poème symphonique (1934)
Symphonie L'Œuvre, d'après Émile Zola (1937-1938, partiellement réutilisée pour la Symphonie n° 6)
Symphonie pour orchestre à cordes et voix (1938, réutilisée, sans la partie vocale, perdue, pour la Symphonie n° 4)
Sinfonia Tragica (1940-1943, partiellement réutilisée pour la Symphonie n° 3)
projet de triptyque intitulé Sinfonia drammaticae :
Ouverture symphonique (Symphonische Ouvertüre, 1942, initialement titrée China kämpft)
Hymnes symphoniques (Symphonische Hymnen, 1942)
Symphonische Suite, sous-titrée Vita Nova (1943, œuvre perdue)
Suite symphonique La Vita Nuova, pour récitant et orchestre (1943, œuvre perdue)
Symphonie Klagegesang (1944, partiellement réutilisée dans la Symphonie n° 3)
Fugue-Scherzo pour orchestre de percussions (1956-1957)
Concertos :
Kammerkonzert pour clarinette, quatuor à cordes et orchestre à cordes (1930-1935)
Petit concerto pour quatuor à cordes et percussions (1932)
Concerto pour trompette et orchestre de chambre à vent (1932, seul subsiste le second mouvement, Lied)
Cello Concerto (1932-1933, œuvre perdue)
Concerto funèbre pour violon et orchestre à cordes (1939, remanié en 1959)
Concerto pour ensemble à vent, double-basses et deux trompettes solos (1948-1949, recomposé à partir du Concerto pour trompette de 1932, remanié une nouvelle fois pour devenir la Symphonie n° 5)
Concerto pour piano, instruments à vent et percussions (1953)
Concerto pour alto et piano accompagnés d'instruments à vent et percussions (1955)
Opéras :
Wachsfigurenkabinett, cycle de 5 opéras comico-fantasiques (1928-1930), sur des livrets d'Erich Bornemann :
Leben und Sterben des heiligen Teufels
Der Mann, der vom Tode auferstand
Chaplin-Ford-Trott
Fürwahr ...?!
Die Witwe von Ephesus
Des Simplicius Simplicissimus Jugend, opéra de chambre (1934-1935, 1949), opéra d'après Simplicius Simplicissimus de Grimmelhausen, sur un livret de Hartmann, Scherchen et Wolfgang Petzet (1934-1935, remanié en 1956)
Autres œuvres lyriques :
Cantate pour chœur o cappella chorus, sur des textes de Marx et Becher (1929)
Messe profane (1929)
Cantate pour voix et orchestre, sur des textes de Whitman (1936, remaniée pour devenir la Symphony n° 1)
Friede Anno '48 pour chœurs et piano (1936-1937, remaniée en 1955 sous le titre de Lamento)
Ghetto Cantata (1960-1961)
Gesangsszene aus Sodom und Gomorra, pour baryton et orchestre, texte de Jean Giraudoux (1962-1963, œuvre inachevée)
Musique de chambre :
4 sonates pour violon seul (1927)
4 pièces pour piano :
Jazz Toccata et Fugue, pour piano (1928)
Sonatine, pour piano (1931)
Sonate pour piano n° 1 (1932)
Sonate pour piano n° 2, dite du 27 avril 1945 (1945)
2 quatuors à cordes :
Quatuor à cordes n° 1, dit Carillon (1922)
Quatuor à cordes n° 2 (1945-1946)
Suite dansante pour quintette à vent (1931)
Musique burlesque pour instruments à vent, percussions et piano (1931)
Toccata Variata, pour 10 instruments à vent, percussions et piano (1932)
Distinctions
1949 : lauréat du Prix de la musique de la ville de Munich
1953 : membre de l'Académie des beaux-arts de Bavière
1954 : lauréat de la Médaille Schoenberg, décernée par l'International Society of New Music
1961 : lauréat du Prix des beaux-arts de la ville de Berlin
1962 : docteur honoraire (?) du Spokane Conservatory, à Washington, DC
Divers
À l'occasion du centenaire de la naissance du compositeur, l'année 2005 a été décrétée, en Bavière, « année Hartmann » (Karl-Amadeus-Hartmann-Jahr 2005 in Bayern ou Hartmann-Jahr-2005). Dans le cadre de cette célébration, 55 concerts sont prévus dans onze villes et autres lieux, dont par exemple le camp de concentration de Dachau (où sera bien évidemment joué le Miserae, dédié aux prisonniers du camp lors de sa composition en 1933-1934). Cette année a été précédée, en octobre et novembre 2004 de trois concerts qui en étaient en quelque sorte le prologue