Compositeur français naturalisé américain né le 22 décembre 1883 à Paris, mort le 6 novembre 1965 à New York
Essayons de comprendre, en considérant de près la figure de l'homme et de l'artiste, les raisons de la pérennité de son oeuvre. Né à Paris de père italien et de mère française, Varèse, entre dix et vingt ans, vit à Turin où il commence des études musicales ; mais en 1903 il rompt toute relation avec son père et monte à Paris, où il achève ses études avec d'lndy, Roussel et Widor. Très tôt, il écrit ses premières compositions ; il part pour Berlin ; il se fait apprécier par Busoni et par Debussy, se trouve parmi les premiers auditeurs du Pierrot lunaire de Schoenberg et du Sacre de Stravinsky (respectivement à Berlin et à Paris, en 1912 et en 1913), jusqu'au moment où, en 1914, il quitte l'Europe pour les Etats- Unis : c'est là que mûrit en lui la décision de se séparer en la détruisant matériellement de sa production antérieure, et qu'il entame un nouvel itinéraire fascinant de compositeur-chercheur-innovateur absolument radical.
Tout en se consacrant à la direction d'orchestre (la fondation du New Symphony Orchestra, qu'il dirige, remonte à 1919), à la diffusion, comme organisateur et promoteur, de la musique contemporaine (il révèle à l'Amérique des compositeurs et des oeuvres qu'elle ignorait), Varèse met la main parallèlement, avec Amériques, qu'il achèvera en 1922, à une série de compositions qui l'imposeront très rapidement à l'attention du monde culturel et musical comme l'un des représentants de la «nouvelle musique» les plus engagés et les plus avancés dans la découverte de territoires inexplorés. Intense est donc l'activité américaine de Varèse pendant ces années (il constitue antre autres, avec Chavez et Cowell, la PanAmerican Association of Composers) ; mais entre 1928 et 1933 il est de nouveau en France, où il avait toujours maintenu des liens avec les milieux musicaux, et où il reprend contact avec de vieux amis tels que Picasso et Cocteau et noue de nouvelles amitiés (Jolivet, Villa-Lobos).
En 1934 commence pour lui une longue période de crise, due à son insatisfaction créatrice et marquée par une errance agitée dans le Centre et l'Ouest des Etats-Unis - où il tente sa chance également, mais sans succès, comme compositeur de musique pour films - fondant de nouvelles institutions musicales et s'établissant tour à tour à Santa Fé, à San Francisco et à Los Angeles, avant de retourner à New York, en 1941. Sa production stagne ; il se consacre à des études et à des recherches de différentes natures, qui ne réussissent pas toutefois à se catalyser en des oeuvres musicales : entre 1934, date de la composition d'Ecuatorial, et 1950 il n'écrit presque plus rien, si l'on excepte le délicat Densité 21,5 pour flûte, la brève Etude pour espace, pour choeur, deux pianos et percussion, exécutée une seule fois et restée inédite, et une Dance for Burgess dont on sait moins encore que sur le morceau précédent.
Les quinze dernières années de sa vie sont en revanche caractérisées par une vigoureuse reprise de son essor créatif, avec des chefs-d'oeuvre comme Déserts et Nocturnal, et par la pleine reconnaissance, sur le plan international et à titre définitif, de son extraordinaire importance en tant que compositeur.
Il s'intéresse à l'activité des jeunes musiciens qui participent aux Ferienkurse de Darmstadt (où il enseigne) ; il reçoit des commandes prestigieuses (entre autres, de la part de Le Corbusier, celle du Poème électronique destiné au pavillon Philips de l'Exposition Universelle de Bruxelles en 1958) et des distinctions honorifiques de plusieurs Etats ; on se met à enregistrer ses oeuvres sur disques ; et sa musique commence, enfin, à jouir d'une diffusion plus étendue, quoique certainement encore bien inférieure à ce que mériterait sa valeur effective.
Varèse s'éteint le 6 novembre 1965 à l'hôpital du New York University Medical Center, sans avoir réussi à réaliser son dernier projet : celui de mettre en musique le texte d'Henri Michaux, Dans la nuit.