Joseph II (13 mars 1741 - 20 février 1790)
Fils aîné de Marie-Thérèse d’Autriche, il devint empereur du Saint Empire Romain Germanique et co-régent des possessions des Habsbourg à la mort de son père, François Ier, en 1765, puis seul empereur en 1780 à la mort de sa mère, l'impératrice Marie-Thérèse.
Joseph II descendait directement de Louis XIII. En effet, il était l'arrière-petit-fils de Philippe (1640-1701), duc d'Orléans, frère de Louis XIV, dont la fille Élisabeth Charlotte d'Orléans (1676-1744) avait épousé Léopold (1679-1729), duc de Lorraine et de Bar, père de François Ier.
Ce fut un souverain moderne et réformiste, mais ses réformes, trop brutales, ne furent ni comprises ni acceptées par ses sujets. Il n’hésita pas à s’allier à la Prusse et à la Russie pour dépecer la Pologne (1772). Il faillit déclencher une guerre européenne en 1778 en voulant s'emparer de la Bavière. Il tenta d'influencer le cours de la politique étrangère de la France en usant de son influence sur sa sœur Marie-Antoinette d'Autriche. Il essaya de démembrer l’empire ottoman en s’alliant à la Russie.
Pour consolider la nouvelle alliance avec la France signée en 1756, l'impératrice lui fit épouser en 1760 Marie-Isabelle de Bourbon-Parme (1741-1763), petite-fille de Louis XV, jeune fille d'un esprit et d'une intelligence supérieurs mais d'un tempérament mélancolique voire morbide. "Tya-Tya",comme la surnomma affectueusement Joseph, fit la conquête de son mari, de sa belle-famille et de la cour de Vienne. La jeune femme ne répondit pas à l’amour sincère mais maladroit de Joseph et conçut une affection passionnée et secrête pour sa belle sœur l'archiduchesse Marie-Christine. Elle donna rapidement une fille à Joseph, Marie-Thérèse 1762+1770). Elle mourut l'année suivante après avoir mis au monde une seconde fille, Marie-Christine, qui ne vécut pas.
Joseph en fut desepéré. Nonobstant, son devoir était d'assurer une postérité à l'empire : il songea à épouser la sœur de la défunte mais celle-ci était déjà promise au prince des Asturies. Joseph dut se remarier en 1765 à Josépha de Bavière (1739-1767), princesse point trop jolie et son aînée de deux ans qu’il rendit malheureuse par son indifférence parfois grossière : il finit par faire construire un mur sur leur balcon commun pour ne pas la voir. A la mort de sa seconde épouse l'impératrice songea à lui faire épouser la princessse Bathilde d'Orléans 'toujopurs pour renforcer l'alliance française). Plus tard encore il fut question d'une union entre l'empereur et la plus jeune sœur de Louis XVI mais ces deux projets firent long feu. Le cœur de Joseph appartenait à Isabelle.
Il conçut plus tard des sentiments amoureux pour la princesse Eléonore de Liechtenstein qui, pas plus qu'Isabelle, ne partagea ses sentiments.
Ses réformes religieuses inspirées de l'esprit de l'Aufklärung qui consistait à soumettre l'Eglise à l'état lui valurent le surnom d'"empereur sacristain" : réduction du nombre de séminaires, suppression de congrégations et d'ordres religieux jugés inutiles, tolérance à l'égard des chrétiens non catholiques ... Ces réformes inquiétèrent si fortement le Saint Siège que le pape Pie VI fit le voyage depuis Rome pour faire revenir l'empereur sur ses intentions.
Menant une vie austère et sans faste, Joseph II, par sa politique réformiste tout en restant absolutiste, est l'exemple même du "despote éclairé".
Il mourut en 1790, impopulaire et incompris, laissant ses territoires à Léopold II, son frère le grand duc de Toscane.
Formation de son caractère
Des seize enfants du couple impérial, il fut le plus difficile à élever.
Enfant très attendu, né après trois filles pendant la guerre de succession d'Autriche, sa naissance fut fêtée comme une victoire par Marie-Thérèse qui fit peser sur lui d'immenses exigences. Cependant son père ne fût élu empereur que quatre ans plus tard. Pendant ce temps,le petit archiduc élevé dans l'orgueil de son sang avait honte d'être seulement le fils du grand duc de Toscane quand tant de ses aïeux avaient été empereurs. Il se défendit un cultivant un immense orgueil puis en développant un esprit taquin, acerbe et superficiel. "Vous êtes une coquette d'esprit" lui écrira un jour sa mère.
Pour le faire obéir, on prit pour habitude de le terroriser : on usa avec lui de menaces de l'autre monde mais cela ne fit que poser les bases de son scepticisme religieux.
Un précepteur militaire usa en vain du martinet. L'impératrice elle-même lui donna le fouet.
Un jésuite lui enseigna la religion, le latin, les mathématiques et la science militaire, mais la manière pédante de l'écclésiastique lui ôta toute disposition pour la religion et les études sérieuses. Un autre précepteur, auteur de quinze gros volumes pour l'instruction du prince héritier à travers l'histoire, détruisit tout son respect pour les personnages historiques du passé. Les flatteurs et jusqu'à son précepteur stimulèrent le caractère impérieux et l'extravagance du prince héritier, tandis que Martini, son professeur de droit naturel, trouva en lui un étudiant intéressé par la physiocratie - une doctrine qui imprégna profondément l'esprit de Joseph, en l'enthousiasmant pour les vues de son temps, les « droits d'homme » et le bien-être du peuple. Les « Lumières » venant de France l'influencèrent aussi, surtout incarnées par Voltaire et son royal disciple, Frédéric II.
Joseph voyait d'un œil mécontent et jaloux la supériorité intellectuelle des protestants de l'Allemagne du Nord, qui dominaient nettement le Sud catholique : il regardait aussi avec une impatience agacée les victoires de Frédéric II et son habileté à gouverner. Il voyait là le but qu'il devait atteindre. Mais quand il accéda au trône, ses plans échouèrent complètement.
Sur le trône
À partir de 1765 Joseph fut empereur et co-régent avec sa mère, mais il n'était chargé que des affaires courantes et des affaires militaires de l'empire. Finalement, plein de rancune contre la manière dont sa mère, trop prudente, lui liait les mains, il décida de voyager en Italie, en France et dans les terres de la Couronne. Deux fois il rencontra Frédéric II et en 1780 la tsarine Catherine II. La même année, sa mère, l'Impératrice Marie-Thérèse, mourut.
Dans l'Empire
Avec les meilleures intentions, Joseph s'appliqua, entre autres, à réformer la jurisprudence impériale. Mais les difficultés à l'intérieur et à l'extérieur refroidirent son enthousiasme. Il se voulait libéral mais devenait impérialiste chaque fois que les intérêts des Habsbourg étaient en cause, il n'en laissa pas moins le pouvoir impérial tomber au niveau de celui d'autres princes allemands.
La politique ecclésiastique joua dans l'empire un rôle considérable. Joseph essaya de garantir la fidélité du clergé allemand aux princes autrichiens.Il ressuscita des privilèges impériaux obsolètes, comme ce qu'on appelle les Panisbriefe, pour s'assurer le soutien de ses partisans laïcs grâce aux monastères impériaux. En détachant des grands archevêchés comme Salzbourg et Passau leur partie qui était en territoire autrichien, il rompit le dernier lien qui unissait l'Autriche à l'empire, le prussien Frédéric II ameutant ses confrères en agissant l'épouvantail de la tyrannie.
Bien que ce ne fût pas en soi contraire aux intérêts allemands, son projet d'échanger les Pays-Bas autrichiens contre la Bavière voisine, à l'occasion d'un changement imminent de dynastie et avec l'accord du nouvel électeur, provoqua, par les manipulations de Frédéric II, la Guerre de Succession de Bavière. L'Autriche n'obtint que le district de l'Inn avec la petite ville de Braunau sur Inn (où naquit un siècle plus tard Adolf Hitler). En 1785, Frédéric II uniquement désireux d'affaiblir les Habsbourg, s'opposa à la reprise de ce projet en constituant la « Ligue des Princes ».
Joseph fit tout son possible pour développer ses possessions au nord et à l'est et faire de l'Autriche la puissance dominante en Europe Centrale. Il obtint un accroissement considérable de son territoire par le premier Partage de la Pologne (1772) et il conclut avec la Russie une alliance défensive, dont il espérait de larges gains de territoire à l'Est, mais, au cours de la guerre austro-russe contre les Turcs (1788), bien que l'armée de Joseph eût pris Belgrade, ce fut Catherine II qui recueillit tous les fruits de la campagne.
En Autriche
En politique intérieure, Joseph chercha à réunir dans une seule nation les peuples fondamentalement différents qui composaient l’État autrichien : des Allemands, des Slaves, des Hongrois, des Belges, des Luxembourgeois, des Italiens. C’est pourquoi il voulut faire table rase de tout et partout, et dans la plus grande hâte. Frédéric II disait de lui : "Il fait le deuxième pas avant le premier". Sa mère, l'impératrice, s'effrayait de tant de nouveautés. Elle avait mis en marche la machine de l’État dans la voie du monde moderne. En matière religieuse elle n'avait recouru à des mesures strictes que pour empêcher les désordres, mais Joseph ne voyait dans tout cela que « demi-mesures et incohérence » et, enflammé par ses convictions, « il voulait, dit Krones, dans une sorte de serre chaude faire venir au plus vite à leur maturité les réformes que sa mère n’avait que commencées ». Il unifia l'administration de toutes les provinces au sein d'un conseil central établi à Vienne, et dont il devait être la tête, pendant qu'il abolissait leurs diètes ou les paralysaient en les soumettant aux autorités exécutives provinciales. Et il avait beau se dire l’ennemi de toute illégalité, il n'en décidait pas moins lui-même dans des affaires qui auraient dû relever du gouvernement central de Vienne. L'allemand devint la langue officielle dans tous les pays soumis à sa loi ; les cours de justice furent indépendantes et jugèrent de la même façon les nobles et les paysans. Le servage fut supprimé ainsi que le droit qu’avaient les nobles de punir leurs sujets ; la codification du droit civil et du droit pénal, commencée par sa mère en 1753, fut poursuivie et la peine de mort fut abolie. Dans son Ehepatent, Joseph créa la loi autrichienne sur le mariage ; il soumit à l'impôt la noblesse et le clergé, ce qui lui créa de nouvelles sources de revenu ; il abolit la censure et permit la liberté d'expression, une mesure qui provoqua une inondation de brochures des plus pernicieuses, surtout dans la polémique religieuse.
Cependant la brutalité qu'il mit dans ses réformes entraîna partout des mécontentements et les habitants des Pays-Bas autrichiens, à l'instar de leurs voisins français, se révoltèrent ouvertement en 1790 (révolution brabançonne).
Mozart
En 1782, Joseph II commanda à Wolfgang Amadeus Mozart un opéra. Ce sera "Die Entführung aus dem Serail (L'Enlèvement au sérail", premier opéra en langue allemande. C’est à la sortie d’une répétition à laquelle il était venu assister qu’il aurait dit à Mozart : « Trop de notes mon cher Mozart », formule qui laissa pour la postérité une image de pompeux philistin de Joseph II.