Cette « Carrière d'un libertin » par Kent Nagano avec Dawn Upshaw, Robert Lloyd, Jerry Hadley (Erato 1996)
Composé entre 1948 et 1951 sur un livret de Wystan Hugh Auden et Chester Kallman, inspiré par la série de huit peintures A Rake's Progress de William Hogarth.
Argument – En Angleterre au XVIII° siècle.
Premier acteScène 1 : Le jardin de la maison de Trulove, au printemps.
Le jeune Tom Rakewell, gentilhomme impécunieux, est épris d’Anne Trulove. Le père de la jeune fille, propriétaire foncier, souhaite sincèrement le bonheur du jeune couple, mais il met secrètement en doute la force de caractère de Tom. Il estime ses soupçons fondés lorsque Tom refuse un emploi stable à la Cité. Tom s’en remet plus volontiers à la fortune, en faisant un voeu "Je voudrais être riche". Un étranger, qui se présente sous le nom de Nick Shadow, arrive alors soudainement en annonçant le décès d’un oncle inconnu de Tom, qui lui aurait légué tous ses biens. Tom doit le suivre pour liquider cette succession. Shadow se propose comme serviteur et guide à travers les vicissitudes de la vie. La question de ses gages sera réglée en temps opportun – un an et un jour plus tard. Tom le rétribuera en fonction de la valeur à laquelle il aura estimé ses services. Tom prend congé d’Anne et de son père. Shadow, se tournant vers le public, clame "The progress of a Rake begin".
Scène 2 : Le bordel de Mother Goose.
Shadow familiarise Tom avec les avantages de sa nouvelle prospérité. Bruyamment soutenu par des prostituées et de jeunes noceurs, Tom répète le catéchisme de son nouveau credo. Affublée du titre de Lady Bishop, Mother Goose préside la cérémonie. Le néophyte donne satisfaction jusqu’à la question de son amour nostalgique pour Anne, et du regret de son bonheur d’antan. Mother Goose l’incite à boire davantage, et les remords s’évanouissent. Les filles de joie l’aideraient de tout cœur à dissiper son chagrin ; mais Mother Goose, en tant que doyenne du lieu, réclame le jeune homme pour elle seule.
Scène 3 : Le jardin de Trulove en hiver.
Les mois ont passé et Anne est sans nouvelles de Tom. Elle pressent qu’il a besoin d’elle et part à sa recherche.
Deuxième acteScène 1 : Chez Tom.
Blasé, déçu, Tom cherche désespérément le bonheur. Shadow lui propose d'épouser Baba la Turque, la nouvelle sensation de la foire de St-Gilles ; il soutient que l’on ne peut être heureux qu’en agissant librement, et que, pour être libre, il faut défier la tyrannie du désir et du devoir. Baba, la femme à barbe, représente l’antithèse du désir ; il ne lui devra rien. Elle est l’agent tout désigné de son bonheur. Tom se laisse convaincre par Shadow. Il courtise Baba et obtient sa main.
Scène 2 : A Londres.
Anne trouve Tom, qu’elle voit arriver de loin. Elle le salue, mais il la prie de retourner chez elle et de l’oublier. Londres ne convient pas à sa bonté, à sa vertu. Anne proteste de son amour pour Tom et le quitte, écrasée de honte en apprenant que l’impatiente attendant Rakewell est Baba la Turque, devenue son épouse. Tom guide Baba la Turque, voilée, devant les citadins qui se pressent et supplient Baba de se laisser entrevoir. Sur les instances de cette foule, elle se dévoile.
Scène 3 : Chez Tom.
Baba prend son petit déjeuner avec Tom. Elle énumère les cadeaux reçus de ses innombrables admirateurs au cours de ses tournées triomphales à travers l’Europe. Tom l’exaspère par sa lassitude et son indifférence. Baba l’accuse d’être toujours épris d'Anne ; elle écume de rage et de jalousie. Tom étouffe ses plaintes ; puis il retombe dans le sommeil, ultime refuge devant l’ennui. Sur ces entrefaites, Shadow introduit chez lui une machine truquée, supposée transformer des pierres en pain. Tom se réveille et raconte à Shadow qu’il vient de rêver à ce genre de machine. Loin de se rendre compte que c’est un attrape-nigaud, il voit en elle le moyen d'enrayer la pauvreté et de faire le bonheur des indigents. Par cette bonne action, il espère redevenir digne de l’amour d’Anne. Il se propose de consacrer toute son énergie à collecter des fonds pour cette entreprise.
Troisième acteScène 1 : Chez Tom.
L’escroquerie de Tom a émergé au grand jour, provoquant sa ruine en même temps que celle d’innocents qui ont investi dans son projet. Des citadins alléchés se pressent pour assister à la vente aux enchères de ses biens. Anne est arrivée, soucieuse d’avoir des nouvelles de Tom ; mais personne ne peut lui dire où il se trouve. Sellem, le commissaire-priseur, donne le coup d’envoi à la vente. Les enchères flambent, et sont portées à leur paroxysme lorsque Sellem offre un objet mystérieux : c’est Baba, qui aussitôt se rue à la défense de ses biens, inconsciente du temps écoulé depuis que Tom l’a réduite au silence. On entend Tom et Nick chanter des quolibets à l’adresse de Baba. Anne revient au son de ces voix. Baba vient la voir et lui confie que Tom l'aime toujours, et que seul son amour peut encore le sauver. Anne se précipite à la recherche de Tom. Baba retourne exercer à la foire.
Scène 2 : Un cimetière.
Un an et un jour se sont écoulés depuis que Shadow est entré au service de Tom ; et le voici qui réclame sa rétribution : l’âme de Tom. Une tombe est ouverte, fraîchement creusée. Shadow commence par offrir à Tom le choix de sa mort : par le poison, le fer, la corde ou le feu. Puis il lui propose de s’en remettre aux cartes pour décider de son sort. Shadow se dispose à tricher. Mais le souvenir d’Anne inspire Tom avec bonheur ; et il gagne le jeu. Furieux de voir que son astuce a été déjouée et que l’âme de Tom lui échappe, Shadow se venge en le frappant de folie.
Scène 3 : Un asile d’aliénés.
Tom est enfermé dans un asile d’aliénés où il se croit Adonis. Anne lui rend visite ; il la prend pour Vénus, qu’il n’a cessé de chercher. Il lui demande pardon pour avoir si longtemps dédaigné son amour. Elle le réconforte et le borde en lui chantant une berceuse. Son amour n’a pas fléchi. Seulement, elle se rend compte que ce n’est plus elle mais bien Vénus que Tom convoite désormais ; aussi consent-elle tristement à rentrer chez elle avec son père. Tom se réveille et s’aperçoit que Vénus est partie. Son cœur se brise de désespoir. Les fous se lamentent sur la perte d’Adonis, l’amant de Vénus.